42.
Il se trouvait dans une pièce inconnue dont les murs touchaient le plafond en formant des angles impossibles, que seule la géométrie des songes peut élaborer. Il voyait une porte à moitié ouverte et une lumière pâle, couleur de perle, qui projetait un faisceau blafard.
Une ombre apparut dans la lumière nacrée et se tint juste derrière l’entrebâillement de la porte. Il savait, sans même avoir besoin de regarder, qu’il s’agissait de Nora.
Il avait envie d’avancer, de sortir de la pièce ; il avait envie de voir Nora, de la prendre dans ses bras, mais quelque chose le retenait, quelque chose le maintenait cloué sur place.
Il hurla son prénom.
Une sonnerie retentit.
Désorienté, en nage, Carroll s’assit droit dans son lit.
Il se frotta les yeux et passa les jambes par-dessus les couvertures en tapon.
La sonnerie était réelle. Quelqu’un sonnait à la porte de chez lui et ce son s’était immiscé dans son rêve.
Il sortit d’un pas traînant de la chambre de cet appartement de Manhattan où il avait jadis vécu avec Nora. Il se rendit jusqu’à la porte d’entrée et regarda à travers le judas.
Là où la veille au soir il y avait eu un couloir, il ne voyait plus qu’obscurité tourbillonnante.
Des années auparavant, il avait dégoté dans le West Side ce grand logement mal conçu et doté de trois chambres avec vue sur le fleuve. Le loyer de l’appartement était toujours plafonné à quatre cent soixante-dix-neuf dollars par mois, un prix d’un autre temps. Après la disparition de Nora, Carroll avait décidé de le conserver pour y passer la nuit quand il travaillait tard le soir.
— Qui est-ce ? Qui est là ?
La personne qui se trouvait derrière la porte ne souhaitait manifestement pas répondre.
Carroll déverrouilla la porte, mais laissa la lourde chaîne attachée. Il entrouvrit le battant d’une dizaine de centimètres.
Caitlin Dillon le regardait par l’ouverture de la porte. Elle semblait terrorisée. Elle avait les yeux creusés et soulignés par de grands cernes noirs.